Installation vidéo pour quatre vidéoprojecteurs.
4 montages vidéo de 20 minutes environ.
Trois montages rassemblant des plans de The Birds montrant Melanie Daniels traverser la campagne en voiture sont successivement présentés sur un écran. De part et d’autre de l’écran, apparaissent en alternance, sous la forme de flashes relativement rapides, deux autoportraits de Helene Schjerfbeck qui ont inspiré les plans. Leur temps d’apparition est identique et impose une valeur rythmique à l’installation. A la fin de chaque montage, images filmiques et picturales disparaissent pendant quelques secondes de la surface de projection. Ils laissent place à d’autres plans de The Birds présentant un canari évoluer près d’une horloge, projetés plus haut, sur un écran, placé dans un autre coin de la salle.
La dynamique d’alternance des images picturales rappelle le mouvement que décrirait le battant d’un métronome. Guidant la vision des montages centraux, il leur impose non seulement un rythme spécifique de perception, variant selon la durée d’apparition des tableaux projetés, mais également un mode de lecture particulier qui change en fonction de l’ordre de succession des autoportraits présentés. Dans la mesure où les trois montages filmiques ne proposent entre eux que de légères variantes, l’installation acquiert à travers les changements de rythme et d’ordre opérés un caractère expérimental auquel peut se soumettre le visiteur.
Exécutés à plus d’une vingtaine d’années d’écart, les deux autoportraits qui sont convoqués dans l’installation marquent au sein du dispositif une sorte de flottement temporel tiraillant le personnage de Melanie entre deux moments de son histoire. Le battant du métronome crée un effet de va-et-vient temporel qui se répercute dans le caractère sinueux du trajet qu’emprunte la voiture dans les plans. Courbe après courbe, les lacets de la route réfléchissent le parcours que décrit le regard du visiteur tout en recomposant les méandres d’un Temps dont les images exposées troublent les repères. Le Temps, distendu, se plisse par endroits. Il se déploie pour mieux emporter le personnage de Melanie dans un battement de revers.
En apparaissant au terme de la projection, les plans du canari montré en plein vol produisent un autre type de rupture dans le flux temporel. Ils introduisent une nouvelle échappée, comparable à celles que proposent la cage ouverte du Temps suspendu et le déclenchement de la projection de la boîte de Pandore. Dans les plans montrant le volatile, l’effet est souligné par la représentation de deux mains cherchant désespérément à attraper l’oiseau et le brouillage de la vision des aiguilles de l’horloge que crée l’interposition du canari entre l’objet et la caméra au moment où il passe devant lui.
A travers le mouvement de va-et-vient qu’il met en place entre les images filmiques et picturales, Autoportrait au métronome souligne certaines ambiguïtés des plans exposés dans les montages centraux de l’installation. Une fois transposés à l’écran, les autoportraits de Helene Schjerfbeck ne deviennent-il pas simples portraits filmiques ? Ne perdent-ils pas par définition leur statut dans la mesure où ils s’affranchissent des traits de l’artiste qui les a conçus ? Dans l’ouvrage qu’il consacre à La Chienne, Jean-Louis Leutrat insiste sur l’une des astuces langagières que mettent en place les derniers plans du film de Jean Renoir. [Dans La Chienne], écrit-il, Legrand ne signe pas ses tableaux. On les signe donc, à sa place, Clara Wood. L’autoportrait de Legrand, une fois signé du nom de Clara Wood, perd sa qualité d’autoportrait ; pour la retrouver, il faut un jeu de mots et placer le portrait dans [une] auto. Autoportrait au métronome reprend le même principe. La voiture dans laquelle se déplace Melanie permet de combler la perte que suppose la procédure de transposition. Le changement de direction qu’imprime régulièrement le battant du métronome transforme l’autoportrait en portrait à l’auto et inversement. Il permet de restituer toute leur dimension aux œuvres de Helene Schjerfbeck.