Melted M-Helenes

2008


Paris, Institut finlandais


Installation vidéo et gustative pour un vidéoprojecteur et un bol de M&M’s.
1 montage vidéo de 17 mn 37.

Variation de l’installation M-Helene présentée au cours de l’hiver 2003-2004 au musée des Beaux-Arts de Hyvinkää, Melted M-Helenes propose une série de confrontation entre sept autoportraits de l’artiste finlandaise Helene Schjerfbeck et les plans hitchcockiens de The Birds qui pourraient en être inspirés.

A la différence de la version présentée à Hyvinkää dont les montages mettaient en place des effets multiples d’alternance entre le film d’Alfred Hitchcock et les autoportraits de Helene Schjerfbeck, Melted M-Helenes associe le registre pictural et filmique par le truchement du fondu enchaîné, rendant plus sensible encore le processus d’incarnation mis en place par le film des œuvres du peintre finlandais.

Dans cette nouvelle version, il a été choisi de rassembler les images dans un seul montage (alors qu’elles étaient précédemment réparties sur sept écrans) pour mener jusqu’au bout la logique de fusion de l’installation et inviter peu à peu chacune de ses composantes à s’altérer et s’entremêler sur un plan figuratif et sonore. Projeté sur un mur, il est associé à cette œuvre des bonbons dont le nom de la marque M&M’s renvoie directement à celui de l’installation. On peut voir inscrit sur leur surface le M qui articule le basculement phonétique entre Helene et Melanie (M-Helene), le personnage de The Birds qui vient chez Hitchcock incarner chacun des sept autoportraits.

Mélangés dans un bol, conformément au caractère faussement aléatoire de l’apparition des autoportraits et des extraits du film dans le montage, les bonbons rappellent par leur couleur certaines tonalités des compositions de Schjerfbeck redéployées, comme le marron du fond sur lequel se détache la figure d’Autoportrait à la robe noire de 1937, ou le vert de l’Autoportrait dit d’une vieille artiste peintre de 1945. Ils relaient aussi certains des motifs et effets des compositions de l’artiste : bleu et vert pour les yeux pairs de l’Autoportrait de 1912, rouge pour la touche colorée de l’Autoportrait à la tache rouge de 1944, jaune pour la tache de couleur sur la broche de l’Autoportrait à la robe noire, brun clair pour les yeux écarquillés de l’Autoportrait à la bouche noire de 1939.

Les bonbons proposent ainsi une allusion à la palette du peintre, convoquant de manière plus globale, d’autres autoportraits de l’artiste comme ceux réalisés par Schjerfbeck au cours des deux dernières années de son existence ou encore l’Autoportrait à la palette de 1937 avec ses deux touches de couleur bleue et jaune, dont la figure semble apparaître de façon presque subliminale au cours de l’évocation de Autoportrait à la tache noire au volant de la voiture que conduit Melanie en direction de Bodega Bay ou, plus visiblement, à ses côtés, sous les traits de Lydia Brenner (Jessica Tandy), dans le montage qui utilise les plans de la dernière séquence du film.

En référence à l’usage que fait l’artiste peintre de certaines petites taches de couleurs sur les visages de ses modèles, claires pour les moments lumineux, sombres pour les idées noires, ils soulignent également la diversité des humeurs qui traversent la série des portraits et de la palette des émotions que réserve l’existence.

Conformément à la composition du bonbon, il est également question d’enrobement coloré et donc de la manière dont le film d’Alfred Hitchcock enveloppe chromatiquement certains autoportraits du peintre : couleur blonde de la fourrure que porte Melanie dans l’évocation de l’Autoportrait à la tache rouge, déployant autour du personnage le ton qui sert d’arrière-plan à la composition de Schjerfbeck, vert et bleu du paysage faisant virer la palette de l’Autoportrait à la bouche noire de 1939 vers des tonalités plus vives, jaune de l’incendie enflammant de manière presque littérale le dessin de tête de 1944, vert d’un tailleur et brun d’un manteau côtoyant le dernier autoportrait de l’artiste.

Selon la même logique que pour le travail de Schjerfbeck, les confiseries soulignent d’ailleurs l’adjonction hitchcockiennes de certains motifs : le ronds jaunes et verts des chapeaux de deux figurantes dans le plan associé à l’Autoportrait de 1912, les petites taches rouges disséminées dans le paysage que traverse la voiture de Melanie dans le plan associé à l’Autoportrait à la tache noire, les cercle bruns et rouges que forment des cordes enroulées dans le plan associé à l’Autoportrait à la tache rouge, etc.

C’est donc à la fois quelque chose propre au travail du peintre et du film que le visiteur est invité à porter à ses lèvres et à faire fondre dans sa bouche conformément au procédé du fondu enchaîné employé dans le montage. Le plaisir gustatif que procure l’absorption du bonbon propose une métaphore de celui ressenti par le spectateur au moment de la projection, du film, l’enveloppe de chocolat relayant les enrobements narratifs et figuratifs hitchcockiens autour du cœur que constitue le travail de Schjerfbeck.

Mais il entraîne aussi un processus de dissolution et de resserrement autour d’une cacahuète faisant écho à la logique qui gouverne l’ensemble du montage de l’installation, jouant sur un resserrement progressif de l’œuvre sur la matière filmique répondant à l’évolution dans le temps de la facture des figures dans les autoportraits (gagnant en radicalité au niveau de la forme et présentant du modèle une apparence de plus en plus dépouillée et squelettique) et du parcours suivi par le personnage de Melanie dans The Birds.

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