Red Spot

2003


Hyvinkää, Hyvinkään taidemuseo


Installation vidéo interactive pour deux vidéoprojecteurs avec supports visuels.
3 montages vidéo variant de 5 secondes à 30 minutes.

Sur un écran est projeté un plan fixe montrant le buste de Melanie Daniels dans The Birds. Deux boutons permettent d’en modifier les données figuratives. En appuyant sur le premier, le visiteur met l’image en mouvement et invite la jeune femme à incliner fortement la tête sur le côté dans un effet de va-et-vient. Le second entraîne l’apparition d’une mouette qui vient heurter violemment le crâne du personnage et projette son corps en avant.

Le caractère interactif du dispositif peut rappeler le système de déclenchement de Pandore et de Scream. Mais à la différence de ces installations, le visiteur agit directement dans Red Spot sur un corps représenté. Il n’y a plus un simple effet d’apparition d’images mais un procédé d’altération d’une figure déjà exposée. Tel un marionnettiste, l’expérimentateur peut soumettre Melanie à ses volontés. Il la manipule et modifie son environnement dans une dynamique qui induit une dimension ouvertement sadique.

Les actes de torture que ce procédé interactif inflige au corps de Melanie interrogent l’attitude du spectateur face au film hitchcockien. Dans sa quête de sensations, celui-ci n’hésite pas à porter atteinte aux personnages auxquels il s’identifie. Ses désirs influent le déroulement des œuvres au point de mettre en péril les individus qui l’habitent. Le prix de la place dépensé instaure un pouvoir économique entre lui et ceux qu’il regarde, légitimant dans le film nombre de dérives. Ainsi, l’attaque dont Red Spot reprend le déroulement, n’incombe pas seulement dans The Birds au cinéaste et à son scénariste, voire à d’autres personnages dont la mouette transposerait les pulsions et les affects. Elle répond à une attente qui émane directement du spectateur et l’implique au cœur des événements relatés dans la fiction.

De manière plus générale, le rapport que l’installation instaure avec l’image de Melanie réfléchit celui que le visiteur entretient avec l’œuvre d’art. Le discours analytique et critique que l’œuvre suscite opère en son sein des manipulations d’ordre divers qui bouleversent son agencement et ses données sensibles. La pensée ploie et remodèle lorsqu’elle ne sacrifie pas, dans un élan rageur, l’objet que l’artiste offre à sa considération. Vulnérable, l’œuvre se risque dans un rapport de force aux regards auxquels elle s’abandonne, au gré d’une confrontation qui peut induire son implosion.

De l’autre côté de l’écran, le visiteur peut découvrir une projection de l’Autoportrait à la tache rouge de Helene Schjerfbeck qui a inspiré en partie les plans hitchcockiens. Immobile, le tableau s’anime et devient image filmique au moment où le visiteur l’active à son tour d’un geste de la main. Moins agressif, le procédé interactif incarne la composition picturale. Il donne vie là où le premier versant de l’installation privilégiait par sa violence un acte de mort.

Mais au même titre que les premières manipulations opérées sur le buste de Melanie possèdent une dimension créatrice en invitant le visiteur à prendre la place du metteur en scène pour faire adopter au personnage des poses inspirée de tableaux de Schjerfbeck et de Munch (l’Autoportrait à la tache rouge et une version de Madone, montrés sous la forme de petites reproductions sous les boutons activés par l’expérimentateur), ce procédé d’incarnation recèle sa propre part de violence. Il tend à libérer l’agressivité du trait et renforce le processus d’effacement des contours de la figure picturale montrée dans le dispositif. Ce tiraillement entre vie et mort, mouvement et fixité que met en place l’installation biface travaille des thèmes déployés dans la séquence hitchcockienne projetée mais aussi dans les deux compositions qu’elle transpose dans ses plans.

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