Laurent Fiévet

La série Saijiki ( t歳時記) — qui désigne en japonais une sorte d’almanach ou dictionnaire à l’usage des rédacteurs de haïku (俳句) — entrecroise les structures de neufs films de Yasujirō Ozu réalisés principalement entre la fin des années quarante et le début des années soixante et dont les titres évoquent le passage des saisons : Printemps tardif (晩春, Banshun, 1949), Été précoce (麦秋, Bakushu, 1951), Printemps précoce (早春, Soshun, 1956), Fleurs d’équinoxe (彼岸花, Higanbana, 1958), Herbes Flottantes (浮草, Ukikusa, 1959) et son modèle de 1934 Histoire d’herbes flottantes (浮草物語, Ukikusa monogatari), Fin d’automne (秋日和, Akibiyori, 1960), Dernier Caprice (小早川家の秋, Kohayagawake no aki, 1961 ou L’Automne de la famille Kohayaga) et Le Goût du Saké (秋刀魚の味, Sanma no aji, 1962, que l’on devrait traduire littéralement Le Goût du poisson d’automne).
Elle propose une mémoire lacunaire des différents films évoqués qui contribue à la fois à en dégager les structures narratives et à pointer l’extrême cohérence formelle de l’esthétique ozuienne de la période.

Comme dans plusieurs séries antérieures (à l’instar de Ice, Swing High, Swing Low, Vexations ou Dislocated), l’esthétique du montage demeure l’une des questions centrales abordées dans la série. Celui-ci y est cliniquement observé comme un point d’équilibre et de basculement, procédant par des effets déplacements infimes.

La série se décline en trois propositions : l’installation Kigo (季語) qui propose une mémoire lacunaire des différents films évoqués dans une approche minimale pouvant rappeler la série Ten, la série Wagara (和柄) qui, tout en ouvrant le champ à d’autre films réalisés entre 1949 et 1962 tels que Le Goût du riz au thé vert (お茶漬の味, Ochazuke no aji, 1952), Voyage à Tokyo (東京物語, Tōkyō monogatari, 1953), Crépuscule à Tokyo (東京暮色, Tōkyō boshoku, 1957) et Bonjour (お早う, Ohayō, 1959) s’attarde sur un certain nombre de motifs récurrents dans l’œuvre d’Ozu, et les deux montages de l’ensemble Kintsugi (金継ぎ) fonctionnant sur le même corpus et principe du diptyque que Wagara pour confronter des plans très proches dans leur esprit ou leur composition.