Noyade interdite - Don't Drown Now

2011


Bussy St Martin, Domaine de Rentilly



Panneaux d’interdiction revisités.

Deux panneaux, placés dos à dos, portant les mentions Noyade interdite et Don’t Drow Now ont été disposés dans l’un des bassins du parc de Rentilly. Remplaçant, de manière incongrue, ceux qui interdisaient la baignade et le patinage au même emplacement, ils interrogent l’histoire de la propriété à travers les drames qu’elle a traversés et les fantômes qui pourraient l’habiter.

Dans un effet comparable à celui que met en place le détournement du discobole dans Freddy, présenté à un autre emplacement du parc de la propriété, l’avertissement expose surtout le danger qui consiste, pour le visiteur, à s’aventurer dans le décor du parc – assimilé à celui, en constante évolution et mutation, du film L’Année dernière à Marienbad d’Alain Resnais et d’Alain Robbe-Grillet grâce au double rapport d’analogie (en raison de leurs motifs communs) et de réflexion (par le truchement d’un miroir permettant de les englober dans la dynamique d’un même regard) que l’installation Février 2011 – Retour à Marienbad (présentée dans une chambre au premier étage du Château de Rentilly) permet d’engager entre eux.

Dans l’espace consacré à l’installation vidéo, le spectateur est en effet invité, en confrontant les images retravaillées du film d’Alain Resnais et Alain Robbe-Grillet et le paysage du parc qu’il découvre au même moment derrière les fenêtres de la chambre, à opérer mentalement un renversement à 180° de ce qu’il voit à l’extérieur du Château. Exposant la conséquence que pourrait entraîner le changement d’organisation des éléments topographiques du paysage (l’immersion des allées du parc sous l’eau du bassin), les inscriptions (dont celle en anglais a été placée significativement à l’envers), se réfèrent directement à ce processus intellectuel. Elles rendent ainsi compte du déplacement soudain du statut du visiteur de regardeur (dans l’espace consacré à la projection) à celui de figure-acteur d’une installation (lorsqu’il se retrouve dans le parc) et du danger que ce changement implique pour lui en conséquence (en le mettant à la merci d’un environnement qu’il a rendu, par son regard, dangereusement mouvant). Tout en l’immobilisant dans ce décor à l’image des statues que met en scène le montage de l’installation, ou à se pencher comme Freddy pour mieux les décrypter, elles témoignent rétroactivement de son égarement dans le labyrinthe de Marienbad.

Comme le souligne par ailleurs la référence que le titre de l’œuvre propose au film de Nicolas Roeg, Don’t Look now, le visiteur se trouve ainsi directement menacé par le regard qu’il a porté quelques minutes plus tôt sur le parc. Ce processus n’est d’ailleurs pas sans rappeler le danger qu’introduit celui de Jack Torrance sur sa femme et son fils lorsqu’il se penche pour la première fois en direction de la maquette du labyrinthe de l’hôtel Overlook.

Dans l’œuvre Février 2011 – Retour à Marienbad, une paire de jumelles, suspendue au plafond de la chambre du premier étage où est montrée l’installation, permet de désigner à l’autre bout du parc, un banc où l’on peut entendre, grâce à un caisson sonore fixé dans sa structure, la bande son du montage. Si l’idée de noyade telle qu’elle apparaît exposée sur le panneau, induit bien les conséquences d’un basculement possible de l’eau des bassin au-dessus des visiteurs et de son écoulement possible en sa direction au moment où il traverse insoucieusement le parc, elle renvoie également, en référence au déplacement que la paire de jumelles invite à suivre en direction du banc, à l’enfoncement de ces mêmes visiteurs dans la stratification imagée qu’orchestre l’installation. Elle implique dès lors un risque d’engluement dans la temporalité du film d’Alain Resnais et d’Alain Robbe-Grillet et dans la structure cyclique de Février 2011 – Retour à Marienbad. Le parc apparaît ainsi assimilé à un piège temporel dont, comme l’est la Forêt des Lilas du conte de la Comtesse de Ségur ou le labyrinthe qui finit par avoir raison de Jack Torrance dans The Shining, il serait difficile pour le spectateur de se libérer.

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